« Comment tu en es arrivé là ? » Bonne question. Cece avait toujours imaginé, étant enfant, qu’une fois l’âge adulte atteint elle serait enseignante, ou infirmière, en tous les cas qu’elle vivrait une vie épanouie. Au lieu de ça, elle se retrouvait assise sur un lit, avec un étranger, avec qui elle venait de coucher pour de l’argent. Comment en arrive-t-on à vendre son corps pour vivre ?
« Une fille a besoin de manger … » Répondit évasivement la blonde. Elle n’allait certainement pas rentré dans les détails intime et ragoutant de sa vie, avec un étranger, un client … Cela faisait 6 mois que Cece s’était lancé dans l’étrange business de la prostitution. Avant d’arriver à Charleston, elle habitait a New York, plus précisément dans le Bronx. Autant dire que la vie la bas n’avait rien d’un luxe. Sa mère changeait de jules tous les quatre matins, et tous la reluquait comme un morceau de chair fraîche, plutôt que de s’intéresser à sa toxico de mère. Elle ne les blâmait pas, elle-même avait cessé d’essayer. Pour vivre sa mère n’avait rien trouvé de mieux que de dealer de la coke, qu’elle absorbait en moitié. Elle n’avait jamais connu son père. Sa grand-mère paternelle avait essayé d’intégrer sa vie après le départ de son père pour une autre, mais une femme aussi collé monté et au style de vie très bourgeois, ne pouvant s’entendre avec une femme aussi dépravé que ce qui lui servait de modèle maternelle, déclarât que c’était une petite bâtarde et qu’il y’avait mensonge sur l’identité du père. Après une énième dispute ayant pour sujet un centre de désintoxication, la mère de Cece jetât sa fille a la porte, se fichant bien de savoir ce qu’il allait advenir d’elle.
« Tu aurais pu être caissière dans un super marché ou secrétaire … Je te vois bien secrétaire ! Je trouve ça dommage … » C’était la première fois qu’un homme, ou plutôt un client, essayait de nouer un lien avec elle, essayer de connaitre son histoire. Ça la flattait tout autant que cela l’effrayait.
« C’est toi qui est venu me trouver je te rappelle. » coupa t’elle agressivement. Venir ici n’était pas son idée. Elle avait suivie Anna, sa meilleure amie. Celle-ci aussi s’y connaissait en problèmes parentaux. Elles n’avaient pas d’argent alors elles avaient fait du stop. Cece n’était pas toujours rassuré des voitures dans lesquelles elles montaient mais Anna était tellement sure d’elle, tellement fofolle et légère que son allégresse avait fini par la gagner. Elle s’était prise à rêver qu’à Charleston tout serait différent. Mais la réalité l’avait bien vite rattrapé. Anna était gentille mais sotte et peu dégourdie, et après s’être fait découvertes a squatté des maisons témoins, elles s’étaient retrouvées à la rue. Était alors survenue la question de survie, et c’est ainsi que sa carrière avait commencé. Anna vivait luxueusement à ses crochets incapables de faire quelque chose de ses dix doigts, ignorant à quoi en était réduite son amie.
« Je ne voulais pas t’offenser… » Répondit-il vexé. Elle scrutât le visage de l’inconnu. Il ne s’était pas rasé depuis bien trop longtemps, ses yeux semblaient vides mais cela en disait long sur son état d’esprit. Les hommes qui se présentaient en général à elle, étaient des hommes d’affaire ou des maris bien sous tous rapports. Elle leur aurait à chaque fois donné le bon dieu sans confessions et pourtant… Mais lui l’intriguait. Ses manières bourrues, sa façon laborieuse de communiquer.
« Je peux avoir mon argent. » coupât-elle brusquement. Il arqua un sourcil interrogateur, mais ne discutât pas et sortit une liasse de billet de son portefeuille, qu’il déposât dans la main tendue de la jeune femme. Elle quittât la chambre d’hôtel sans un regard derrière elle.
« Cece un client chambre 125. » Son mac lui parlait sur le même ton qu’il aurait employé si elle avait été réceptionniste à l’hôtel. Il ordonnait, distribué les clients entre les filles et récupérer ensuite plus de la moitié de leur gain. Alors qu’elle se dirigeait mollement vers la chambre il l’empoignât douloureusement au poignet.
« Et tu merdes pas cette fois j’ai encore eu des plaintes sur toi c’est la dernière fois qu’un client se plaint de tes manières ou tu dégages compris. » Cece avait pris l’habitude de masquer ses émotions, elle n’était même plus sure d’avoir envie de ressentir quoi que ce soit a part du dégout pour elle-même. Mais là la peur se lisait nettement sur son visage. Elle savait que Seth, son mac était capable de tout, elle avait vu dans quel état il avait laissé une des filles dont il jugeait qu’elle bossait mal… Elle se contentât de hocher la tête, massant soigneusement ses poings meurtris.
« Encore toi… » Laissa t’elle échapper en entrant dans la chambre. Une des règles était de ne jamais tutoyer un client mais entre eux cette formalité ne semblait pas s’appliquer. Il esquissât un sourire amusé de la réaction qu’il provoquait chez elle. Cette mine faussement dégoûté lui allait aussi mal que le métier qu’elle faisait.
« J’avais envie de parler. » Lança-t-il laconiquement. Cet air détaché de tout l’agaçait au plus haut point.
« T’as frappé à la mauvaise porte, y’a des psys pour ça. » Elle avait envie de faire demi-tour pour marquer ses paroles, mais elle savait que Seth l’attendait au tournant dans le couloir, et si elle ne ramenait pas d’argent, dieu seul sait ce qui l’attendait. Elle préférât donc s’assoir à l’autre bout de la pièce, dans un des fauteuils. Il ne se formalisât pas de cette distance.
« Si je te proposais un job tu l’accepterais ? » La jeune femme fut prise de court, tout sauf cette question lui était venu en tête. Pour qui se prenait-il au juste, un justicier réparant les malheurs de la vie ?
« Tu es venu juste pour me dire ça ? Garde ta pitié, et ton job … » Il ne s’attendait pas à ce que sa proposition remporte un franc sucés et s’était préparé à un refus catégorique de sa part.
« Tu ne sais même pas ce que je veux te proposer. » Ce n’est pas qu’elle n’avait pas rêvé d’entendre ça un jour, mais pas venant de lui. Son orgueil la poussait dans ses retranchements et a refusé. Face à son silence il reprit.
« Un ami et moi venons de lancer notre start up dans la finance, et j’aurais besoin d’une assistante. » Un rire exagéré sortit de la gorge de Cece.
« T’es sérieusement dérangé tu le sais ? » Il ne s’offensât pas. Elle était sur la réserve et il s’y était préparé.
« Réfléchis-y au moins. » elle s’apprêtait à répliquer de façon cinglante mais il la coupât en se levant et se dirigeant vers la porte.
« Quoi c’est tout tu n’insistes pas plus ? » Elle semblait déçue. Il ne lui montrât pas, mais cela le fit sourire.
« Non j’y vais. » elle se précipita vers la porte, bloquant la sortie de ses bras.
« Tu ne peux pas y’aller maintenant ! » S’écriât-elle un peu trop fort à son gout. Son nez se plissât devant la bêtise qu’elle venait de commettre, croisant les doigts pour que Seth ne l’ai pas entendu. Si il voyait un client sortir aussi tôt il penserait que les choses s’étaient mal passés, et même si le jeune homme avait posé une liasse conséquente de biller sur la table, cela ne calmerait pas son mac pour autant.
« Je t’en supplie. » Laissât t-elle échapper d’une voix timide. Il ne savait pas pourquoi, ni ce qu’elle craignait mais elle ne s’était jamais montré aussi désarmante qu’à cet instant. Sa main relâchât la poignée de la porte.
« Très bien je reste. » Il aurait voulu la prendre contre lui pour calmer les tremblements de la jeune femme, mais il savait qu’elle ne l’aurait pas laissé faire. Il se contentât de regagner sa place et ils passèrent la nuit à discuter, s’apprivoisant petit à petit.
C’était devenu un rituel au moins deux fois par semaine il passait la voir. Ils ne couchaient pas ensemble. Non pas qu’elle ne l’attirait pas, mais elle était devenue plus que ça. II apprenait à la connaitre, et a en tomber amoureux. Sa fragilité, était aussi sa force, car elle ne la montrait pas. Sa façon de tout contrôler la rendait amusante à ses yeux. Il se demandait toujours ce qu’il l’avait conduit ici, la solitude probablement. Une envie de contact, pas forcément physique, mais ressentir quelque chose. Il lui semblait que dernièrement plus rien ne l’atteignait. Il aurait dû se réjouir de voir sa start up connaitre des débuts faramineux, et pourtant il éprouvait plus de joie à ses rendez-vous quotidiens et méconnus de tous. Même son meilleur ami avec qui il avait monté son entreprise n’était pas au courant de l’existence de la belle. En arrivant dans la chambre d’hôtel, il remarquât que la jeune femme était déjà là, sa silhouette se dessinant dans la pièce non éclairé. Étrange… Elle se tenait dans un coin, recroquevillé sur elle-même.
« Andie » Appelât t’il. Pour se protéger, la blonde mentait toujours sur son nom auprès des clients. N’obtenant pas de réponses, mais entendant les sanglots de la jeune prostitué, il décidât de tourner l’interrupteur. Le spectacle que lui offrit la lumière lui tordît l’estomac. La jeune femme était couverte d’hématomes. Sa tenue courte, laissait entrevoir ses cuisses et bras meurtris. Son visage de poupée, portait la trace de rougeur dû aux gifles. Du sang coulait le long de sa lèvre, et il remarquât des brûlures de cigarettes sur sa peau. Il se précipitât vers elle pour la soulever, et constaté que de près la scène était encore plus affligeante.
« Qui t’as fait ça ? » Grondât ’il. Sa voix résonnait de la colère qui le submergeait. Il essuyât d’un revers de doigt une larme qui coulait le long de sa joue. Il osait a peine l’effleurer de peur d’aggraver ses blessures. Il passât lentement un bras autour de ses hanches, et sans lui laisser le temps de protester, son autre main soulevait ses jambes, pour la serrer contre lui et l’emmener sur le lit. Il l’installât sur ses genoux, et ses prunelles vertes ne quittèrent pas celle de la jeune femme attendant une explication. Sa voix était entrecoupée de sanglot.
« Il a dit que je bossais mal, et que des clients se sont plaints, et qu’il était obligé de sévir. Que de toute façon je n’étais qu’une petite garce a son service. » Il comprit tout de suite de qui elle parlait. S’il avait pu il serait allé le trouver sur le champ pour venger la jeune femme, mais il sentait que ce n’était pas le moment de la laisser seule.
« Je vais t’emmener à l’hôpital, puis je te ramènerais chez toi. » Sa voix était autoritaire et ne laissait pas place à la discussion. Pourtant à l’évocation du mot hôpital il lut la panique dans le regard de Cece. Anticipant ses inquiétudes, il prit une voix plus rassurante.
« Ils ne poseront pas de questions, je m’en occupe. » De lassitude, elle se contentât d’acquiescer, se laissant enfin aller contre lui, lâchant toute sa retenue.
« Je n’ai pas envie d’être seule ce soir. » Murmurat’elle n’en revenant pas elle-même des mots qui sortaient de sa bouche. Pourtant elle continuât dans sa lancée.
« Anna est partit, elle est retournée à New York. » Lors de leurs discussions, elle avait mentionné son amie. Mais celle-ci instable et fragile, était repartit sur le même coup de tête qui l’avait guidé jusqu’à Charleston. Il comprit donc que la jeune femme n’avait nulle part où aller ce soir.
« Je suis là, je m’occupe de tout. » Sa voix calme et rassurante apaisât la jeune femme. Elle lâcha dans un soupir.
« Mon nom est Cece, pas Andie... Cece. » Exténuée elle s’endormit dans ses bras alors qu'il hochait doucement la tête.
Il avait fallu du temps pour qu’elle accepte de venir chez lui. Le premier soir, après avoir été à l’hôpital, elle acceptât de venir se reposé. Il réussit à lui redonner confiance en elle et a postulé dans une boutique de vêtement où elle décrochât un poste de vendeuse. Pourtant elle ne gagnait pas encore assez pour se permettre un logement à Charleston. Il eut beau insister, elle refusât de s’installer dans sa maison. Il avait hérité de ses grands-parents cette superbe maison reconstruite après le passage de l’ouragan. Elle était évocatrice de beaucoup de souvenir passé, c’est pourquoi il avait enlevé toute photo, la déco était minimaliste… Mais quelques nuits dehors, et croiser Seth, firent changer Cece d’avis. La peur que celui-ci ne la trouve et ne finisse ce qu’il avait commencé prit le dessus. Elle savait qu’elle avait maintenant un protecteur prêt à tout pour elle. Sans vraiment comprendre pourquoi. Il n’y gagnait rien en échange. Elle ne couchait pas avec lui, et vivait, lui semblait-il a ses crochets. Accepter qu’il soit tombé amoureux d’elle semblait encore trop tôt. Cela faisait maintenant 15 jours que Cece s’était installait dans la maison. Le style moderne et chaleureux était tout ce qu’elle s’était toujours imaginé pour une famille heureuse et normale, loin de ce qu’elle avait connue. Pourtant il lui semblait que cette maison avait encore bien des secrets à révéler… et elle n’allait pas tarder à en percer un majeur. Alors qu’elle sortait de la douche, le téléphoné retentit. Elle n’osait pas encore décrocher. Séchant ses cheveux dans une serviette elle s’approchât pour écouter, alors que le répondeur se déclenchait.
« Monsieur X, ici docteur Monroe. J’ai une très bonne nouvelle pour vous, j’aurais préféré vous l’annoncer à vive voix, mais je ne voulais pas vous faire attendre. Votre femme s’est réveillée, elle va bien et vous réclame. Je vous rappelle les heures de visite […] » Elle n’écoutât pas la suite. Elle en avait déjà bien trop entendu. Alors ainsi il était marié ! Il s’était bien gardé de lui faire part de la nouvelle. Sans plus attendre, elle prit les quelques affaires qu’elle avait, et les enfournât dans son sac, quittant la maison sans un mot.